La différence cruciale entre un système monétaire basé sur une monnaie convertible en or et une monnaie fiduciaire (fiat) est que sous un système étalon-or, le gouvernement national doit émettre de la dette pour couvrir ses dépenses au delà des revenus de l’impôt.
La fin de Bretton Woods fut l'interruption finale entre les matières premières qui ont une valeur intrinsèque et les monnaies nominales.
Depuis ce moment, les gouvernements ont utilisés la monnaie fiduciaire (fiat) comme base du système monétaire.

Une des conclusion fondamentale de MMT est qu'il n'y a pas de différence fonctionnelle (pour un État souverain émetteur en monopole de sa monnaie dans un monde à taux de change flottant) entre un "bon du Trésor" et la "monnaie", sauf en ce qui concerne le terme (intérêts contre aucun intérêt) et la durée. Ainsi, il n'y a pas de différence entre un déficit "financé" par l'émission d'obligations et par la création monétaire directe - les deux sont "inflationnistes" (ou non) dans le sens où ils ajoutent à la demande globale, et les deux ajoutent des actifs financiers nets (monnaie) au secteur privé.
Le croque-mitaine de la "planche à billets" est une relique de l'époque de l'étalon-or, dans lequel la "monnaie" était convertible en or et la "dette" ne l’était pas.
Les ressources réelles peuvent être "imprimées" à la condition qu'il y ait des capacités inutilisées dans l'économie. Si le gouvernement embauche les chômeurs, le travail qui est effectué est un travail qui n'aurait pas été réalisé autrement et représente une production qui aurait été perdue à jamais.




mercredi 11 mai 2011

L'ABC du "Quantitative Easing" (QE)


Quantitative easing 101
13 Mars 2009

Bill Mitchell est Professeur de recherche en économie et Directeur du Centre du Plein Emploi et Équité (CofFEE), a l'Université de Newcastle, NSW Australia.

Plusieurs lecteurs m'ont écrit me demandant d'expliquer ce qu'est le "quantitative easing". Certain d'entre eux ont entendu un reportage sur ABC l'autre soir, interrogeant le Gouverneur de la Banque d'Angleterre, qui exposait le plan de la Bank of England "d'imprimer des millions de livres sterling" comme dernière stratégie pour stimuler l’activité de prêt et par conséquent l’activité de l’économie lamentablement performante de la Grande-Bretagne. Encore une fois, nous avons besoin de faire un compte rendu et d'apprendre ce qu'est le "quantitative easing". Nous avons besoin de comprendre que ce n'est pas une très bonne stratégie a suivre pour un gouvernement souverain dans sa monnaie pendant une période de demande déprimée et d'un chômage en augmentation. Nous avons aussi besoin de sortir le mantra "imprimer de la monnaie" de nos esprits.

Qu'est-ce que le "quantitative easing"?

Avec un marché du crédit très restreint (c'est a dire: les banques ont remonté leur critères d'accord de prêt et rendu l’accès au crédit plus difficile pour les ménages et entreprises), les banques centrales ont commencé a parler d'utiliser ce qui s'appelle le "quantitative easing" afin de libérer le flot de crédit, etant donné que les taux d’intérêts baissent a presque zéro. En fait, des taux d’intérêts proche de zéro sont requis si la banque centrale doit s'engager dans le "quantitative easing"!

Le "quantitative easing" implique simplement que la banque centrale achète des bons du trésor (ou d'autres actifs détenus par les banques) en échange de dépôts fait par la banque centrale dans le système bancaire commercial --c'est a dire: créditer leurs comptes en réserves. Le but est de créer un excès de réserves qui sera alors prêté afin de poursuivre un taux d’intérêt positif. Donc la banque centrale échange des actifs financiers qui ne rapportent pas d’intérêt ou très peu (qui sont simplement le solde de réserves des banques commerciales) pour des actifs financiers qui ont un taux d’intérêt plus élevé et un terme plus long (obligation, bon du trésor).

Donc le "quantitative easing" est juste un ajustement comptable sur différents comptes qui reflète un échange d'actifs. Les banques commerciales reçoivent un nouveau dépôt (fonds de la banque centrale) et elles réduisent leur détention de l'actif qu'elles vendent.

Les partisans du "quantitative easing" affirment que cela ajoute des liquidités a un système où l’activité de prêt par les banques commerciales semble gelée a cause d'un manque de réserves dans l'ensemble du système bancaire. Il est communément admis que cela implique "d'imprimer de la monnaie" pour soulager un système "affamé de liquidité". C'est une représentation fâcheuse et trompeuse.

Invoquer la terminologie néfaste de la planche a billet pour décrire cette pratique est très trompeur -- et cela est probablement fait délibérément. Toutes les transactions entre le secteur du gouvernement (le Trésor et la banque centrale) et le secteur non-gouvernemental (le secteur privé) impliquent la création et la destruction d'actifs financiers nets dénommés dans la monnaie d’émission. Typiquement, quand le gouvernement achète quelque chose au secteur non-gouvernemental, il crédite un compte bancaire -- c'est a dire: des nombres indiquant la taille de la transaction apparaissent électroniquement dans le système bancaire.

Il est inapproprié d'appeler ce processus "imprimer de la monnaie". Les commentateurs qui utilisent cette nomenclature le font parce qu'ils savent que cela a l'air mauvais! L'approche des économistes orthodoxes (néo-libéraux) utilise le terme "planche a billet" comme l’équivalent "d'expansion inflationniste". S'ils comprenaient comment le système monétaire moderne fonctionne réellement, ils ne seraient pas aussi grossier.

De façon cruciale, le "quantitative easing" requiert que le taux d’intérêt a court terme soit a zéro ou proche de zéro. Autrement, la banque centrale ne serait pas capable de maintenir le contrôle de sa cible de taux d’intérêt positif, parce que l’excès de réserves démarrerait un processus de compétition sur le marché interbancaire qui conduirait effectivement les taux d’intérêts a la baisse.

La Bank of England a maintenant réduit les taux d’intérêts a court terme a virtuellement zéro (le plus bas depuis que la BOE a été constituée en 1694) dans la croyance erronée que la politique monétaire pourrait résoudre l'insuffisance de demande a laquelle ils font face. Pendant qu'ils évitent l'utilisation de la politique fiscale et budgétaire (dépense et taxation) ils n'ont nulle part où aller avec la politique monétaire, a moins qu'ils ne s'engagent dans le "quantitative easing". En conséquence, sur les trois prochains mois, ils prévoient de dépenser £150 milliard dans l'achat au secteur privé d'actifs appelés gilts (qui sont juste des obligations du gouvernement) et aussi des obligations privées de grande qualité.

Le but est d'augmenter la liquidité sur le marché du crédit et d'encourager les banques a augmenter l’activité de prêt aux entreprises comme expliqué plus haut.

Est-ce que le "quantitative easing" fonctionne? L'opinion dominante est que le "quantitative easing" va suffisamment stimuler l’économie pour mettre un frein a la spirale descendante de perte de production et d'augmentation du chômage.

C'est basé sur la croyance erronée que les banques ont besoin de réserves avant de pouvoir accorder des prêts et que le "quantitative easing" fournit ces réserves. C'est une présentation complètement déformée de la façon dont le système bancaire fonctionne en réalité. Mais la position dominante soutient (a tort) que les banques ne prêtent que si elles ont des réserves préalables. L'illusion est qu'une banque est une institution qui accepte des dépôts pour constituer des réserves et ensuite les prêtent contre intérêt pour faire de l'argent. La conceptualisation suggère que si la banque n'a pas de réserves adéquates alors elle ne peut pas prêter. Donc la présupposition est qu'en ajoutant des réserves aux banques, le "quantitative easing" aidera au redémarrage de l’activité de prêt.

Mais c'est une représentation complètement incorrecte de la façon dont les banques fonctionnent. Le prêt bancaire n'est pas contraint par les réserves. Les banques prêtent a tous les clients solvables qu'elles peuvent trouver et ensuite se soucient de leur position en réserves. Si elles sont a court de réserves (la position de leur compte de réserves doit être positive a la fin de chaque jour et dans certains pays la banque centrale exige que certains ratios soient maintenus) alors elles empruntent sur le marché interbancaire ou bien, en définitive, elles emprunteront a la banque centrale a travers la "fenêtre d'escompte" (discount window). Elles sont réticentes a passer par la banque centrale parce qu'il y a une pénalité a le faire (un taux d’intérêt plus élevé).

Le point important est qu'augmenter les réserves bancaires n'augmentera pas la capacité des banques a prêter. Les prêts crées les dépôts qui génèrent les réserves.

La raison pour laquelle les banques commerciales ne prêtent pas beaucoup est parce qu'elles ne sont pas convaincues qu'il y ait des clients solvable a leur porte. Dans le climat actuel, l’appréciation de ce que constitue un client solvable est devenue très stricte comparée aux critères très lâches du temps du boom.

Les contraintes formelles majeures sur l’activité de prêt des banques (autre qu'un flot de clients solvables) sont exprimées dans l'exigence de capital adéquat fixé par la Bank of International Settlements (BIS), qui est la banque centrale des banquiers centraux. Elles se rattachent a la qualité des actifs et au capital requis que les banques doivent détenir. Ces conditions se manifestent dans le taux d’intérêt du crédit que les banques facturent a leurs clients. Mais l’activité de prêt n'est jamais contrainte par un manque de réserves.

Bien que certains pointent l’expérience de "quantitative easing" au Japon entre 2001 et 2006, la réalité est que c'est la politique fiscale et budgétaire extrêmement expansionniste plutôt que les gymnastiques de la politique monétaire qui ont empêchés l’économie du Japon d'entrer plus avant en déflation et de retourner a une plus forte croissance dans les années récentes (jusqu’à ce que la crise démarre).

Nous devons être absolument clair sur ce que la BOE fait. Elle achète une sorte d'actifs financiers (avoirs privés en obligations publiques, obligations d'entreprise) et les échange pour une autre (réserves a la BOE). Les actifs financiers nets du secteur privé sont en fait inchangés bien que la composition du portefeuille d'actifs soit altérée (substitution de maturité), ce qui change les rendements et rentabilités.

Sur le plan du changement de la composition des portefeuilles, le "quantitative easing" augmente la demande par la banque centrale d'actifs de "longue maturité" détenus par le secteur privé, ce qui réduit les taux d’intérêts a la fin de la courbe de rendement. Ces taux d’intérêts sont traditionnellement considérés comme le taux d’investissement. Cela peut augmenter la demande totale étant donné que le cout des fonds d'investissement baisseront. Mais d'un autre coté, le taux plus bas réduit le revenu des intérêts des épargnants, qui réduiront leur consommation (demande) en conséquence.

Comment ces effets opposés se maintiennent en équilibre n'est pas clair. Les banques centrales ne le savent certainement pas! En général, cette incertitude pointe en direction du problème impliqué par l'usage de la politique monétaire pour stimuler (ou contracter) l’économie. C'est un outil politique brutal qui a des impacts ambigus.

Le problème majeur auquel l’économie fait face a présent est qu'il n'y a pas de volonté de la part du secteur privé a dépenser et le manque de dépense qui en résulte doit être, initialement, comblé par le gouvernement par l'usage de la politique fiscale et budgétaire. Je préfère la création directe d'emploi public comme principal véhicule fiscal. Mais, quelle que soit ma préférence, il doit y avoir une politique fiscale et budgétaire. Et quand le sentiment négatif se retourne, l'emprunt privé recommencera et la dépense d'investissement augmentera a nouveau. Alors l'economie croit davantage et le deficit budgetaire diminue.


Donc je ne pense pas que le "quantitative easing" soit une stratégie sensée contre la récession. Le fait que les gouvernements l'utilisent actuellement ne reflète que le biais néo-libéral envers la politique monétaire  plutôt que la politique fiscale et budgétaire. Qu'est-ce qui motivera les consommateurs a emprunter s'ils ont peur de perdre leurs emplois? Pourquoi une entreprise voudrait emprunter si elle s'attend a ce que ses ventes soient déprimées? Le problème est une panne de demande qui doit être réglée par des mesures destinées a l'augmenter -- c'est a dire, la politique fiscale et budgétaire (deficit).

Il y a aussi ceux qui affirment que le "quantitative easing" va exposer l’économie a une inflation incontrôlable. C'est juste une retour a la vieille et défectueuse doctrine Monétariste basée sur la soi disant "Quantity Theory of Money". Cette théorie n'a pas d'application dans une économie monétaire moderne et ses partisans doivent expliquer pourquoi des économies avec d'énormes capacités excédentaires de production ne peuvent pas accroitre leur production quand les commandes pour les biens et services augmentent. Si par hasard le "quantitative easing" réussissait a stimuler la dépense, alors l’économie déprimée répondra en augmentant la production plutôt que les prix.

J’espère que cela explique ce qui se passe pour tout ceux qui ont demandé et tous ceux qui sont intéressés! Passez un bon weekend.

5 commentaires:

  1. Bonjour,
    Je comprends bien que les crédits soient octroyés par les banques commerciales avant qu'elles n'ajustent en conséquence leur réserves en monnaie banque centrale. (Il s'agit d'une précédence d'ordre temporelle - il est logique de procéder ainsi pour une banque)
    Au demeurant comment peut on soutenir que le coût des réserves n'est pas pris en compte par les banques au moment où elle octroient des crédits. Ce coût là influence bien la profitabilité de l'activité de crédit au final ! Donc on peut ausssi dire que la précédence est renversé (au moins au niveau du calcul de la profitabilité).
    Conclusion:
    Niveau des réserves (indirectement déterminé par leur coût) et volume de crédit sont donc lié dans les deux sens.
    Ou bien ?

    RépondreSupprimer
  2. Oui, les prets creent les depots et influencent directement le niveau de reserves dans l'ensemble du systeme bancaire. C'est M3, le circuit du credit.

    Mais les reserves injectees par le QE (achats de bons du tresors en echange de depots) restent sur les comptes que les banques commerciales possedent a la banque centrale.
    Ces depots ne permettent pas la creation de credit, ils ne font que stopper la competition inter-bancaire et baisser le taux auquel les banques se pretent entre elles.

    Lisez l'ABC du deficit
    L'abc du déficit budgétaire - Première partie
    http://alienaeconomics.blogspot.com/2011/02/labc-du-deficit-budgetaire-premiere.html

    L'abc du déficit budgétaire - Deuxième partie
    http://alienaeconomics.blogspot.com/2011/02/labc-du-deficit-budgetaire-deuxieme.html

    L'abc du déficit budgétaire – Troisième partie
    http://alienaeconomics.blogspot.com/2011/02/labc-du-deficit-budgetaire-troisieme.html

    RépondreSupprimer
  3. Bonjour, elle vient d'où la croissance actuelle? Des déficits passés? Cela peut durer? Cordialement.

    RépondreSupprimer
  4. En économie fermée le chartalisme c'est ok. En économie ouverte on ne risque pas d'avoir des problèmes d'inflation liés aux taux de change? Ou alors si ta monnaie baisse ton PIB grossira par la suite et donc tout est ok? Le protectionnisme pourrait être pertinent mais ils en parlent les anglophones de ça? Cordialement.

    RépondreSupprimer
  5. « Il faut rendre la croissance » !
    https://frappermonnaie.wordpress.com/2012/04/14/il-faut-rendre-la-croissance/

    Assouplissement quantitatif et inflation
    https://frappermonnaie.wordpress.com/2012/06/03/assouplissement-quantitatif-et-inflation/

    La cavalerie de la dette souveraine n’est pas inflationniste
    https://frappermonnaie.wordpress.com/2012/03/26/la-cavalerie-de-la-dette-souveraine-nest-pas-inflationniste/

    Is exchange rate depreciation inflationary?
    http://bilbo.economicoutlook.net/blog/?p=32922

    On the trail of inflation and the fears of the same …
    http://bilbo.economicoutlook.net/blog/?p=32485

    RépondreSupprimer